jeudi 13 novembre 2014

Voici un livre original qui explore avec bonheur un sujet peu connu et peu exploité, celui de la façon dont les textes bibliques appréhendent l'économie et, au-delà, les sujets de société qui interpellent le monde du vingt-et-unième siècle comme l'écologie. Pour l'auteur, économiste et directeur au ministère israélien du Trésor, il s'agit de faire découvrir « une éthique juive de l'homme dans le monde économique ».

Dans sa démonstration, Richard Sitbon fait appel aux économistes d'hier et d'aujourd'hui, de Max Weber à Jean-Yves Naudet en passant par John Stuart Mill, Werner Sombart, Adam Smith, John M. Keynes, David Ricardo, Joseph Stiglitz, Amartya Sen et bien d'autres encore.

À Max Weber qui considérait que le protestantisme avait ouvert la voie à la modernité économique, Richard Sitbon rétorque que le judaïsme, des siècles avant lui, avait posé les jalons de concepts qui s'épanouissent de nos jours.

L'auteur explore le texte biblique et le Talmud dans les moindres recoins. Il n'hésite pas à dénicher dans le traité « Kiddoushin », pourtant consacré essentiellement au mariage, les preuves de l'apport juif aux questions économiques et nous explique que « le judaïsme réintègre dans la valeur d'échange des marchandises un nouvel élément, qui pourrait par sa seule force annihiler toute valeur à certaines marchandises ou influencer le prix du marché. Cet élément est l'expression de la totalité sociale, ou le retour dans la société marchande du rapport des hommes entre eux, et non plus seulement du rapport des hommes aux objets ».

Parmi les sujets abordés : l'argent, l'intérêt ou encore la concurrence. Entre le capitalisme forcené qui a montré ses limites avec la crise des « subprimes » et ses conséquences et le communisme qui est complètement discrédité, le judaïsme propose le solidarisme, un concept biblique qui place l'homme au centre des préoccupations et qui fut réintroduit par Léon Victor Bourgeois (1851-1925), prix Nobel de la Paix et que Richard Sitbon décèle, par ailleurs, dans les projets politiques de Theodor Herzl et Zeev Jabotinsky dont il analyse finement les écrits.

Pour ce qui est de l'écologie, Sitbon affirme notamment que « sans tomber dans une idéologie de l'écologie qui ferait de la nature et de sa préservation une priorité, le Talmud va pourtant, à travers une politique d'aménagement du territoire, poser pour la première fois le problème du développement durable ». Des pages très intéressantes sont consacrées au Shabbat, à la notion de « pea » qui impose au propriétaire d'un champ de conserver une partie du terrain et de sa production pour les pauvres, au « yovel » ou jubilé moratoire et à la « shemita » ou année sabbatique.

Chaque chapitre est assorti de « Repères » qui sont autant de résumés très utiles et l'ouvrage est enrichi de bibliographies synthétiques de personnages importants cités dans le texte.

À la lecture de cette étude, on est convaincu que « le rôle du judaïsme sera de construire une éthique dans un monde économique d'impulsions ». Très intéressant.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Eyrolles. Mars 2013. Préface de Josy Eisenberg. 240 pages. 14 euros.

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