jeudi 13 novembre 2014

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  • S'inspirer de la Bible pour repenser le social

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  • OpinionsRichard Sitbon (DR. Caroline Haddad)
  • Richard Sitbon (DR. Caroline Haddad) (Crédits : Reuters)
  • Richard Sitbon | - 1327 mots
  • L'Ancien testament nous fournit des pistes pour revoir notre organisation économique et sociale, par Richard Stibon, économiste, directeur au ministère du Trésor israélien, auteur de « L’économie selon la Bible » (Editions Eyrolles).
  • Condamnée à subir les lois économiques du marché, la démocratie est-elle en danger ? C'est à cette question que l'intervention du président Hollande, avec la nouvelle direction économique en faveur d'une politique de l'offre, pose en filagramme à tous les citoyens. Décrite comme un tournant ou une rupture dans la pensée économique socialiste, cette nouvelle orientation ne serait-t-elle pas plutôt un constat d'échec ?
    Non un échec du président Hollande et du gouvernement, mais plus simplement un échec de toute tentative d'intégration d'une politique socialiste dans un environnement de finance internationale et de mondialisation capitaliste.

    La crise financière et partout les mêmes conséquences

    Si tel est le constat, alors se réaliserait définitivement la prophétie de Karl Polanyi, qui soulignait dans son livre « La grande transformation » que : « la privation de liberté est à vrai dire le résultat inéluctable de la philosophie libérale qui prétend que le pouvoir et la contrainte sont le mal et que la liberté exige qu'ils n'aient point de place dans une communauté humaine. » La disparition du champ soviétique et la victoire triomphale du capitalisme nous a apporté pourtant la crise financière de 2008, avec partout des résultats similaires : des pays endettés, des ménages qui déjà au bas de l'échelle sociale ont vu leurs situations empirer, une classe moyenne qui s'effiloche, étranglée par la crise, tous victimes d'un ennemi qui semblerait sans visage.
    Partout, ce nouveau capitalisme a conduit à la même précarisation du marché de l'emploi, grignotant pour beaucoup ce que les économistes appellent « le pouvoir d'achat libéré », ou ce petit supplément qui laisse à la vie sociale un goût sucré. Dans chaque pays, la même minorité d'ultra riches voit leur fortune croître au gré de systèmes de défiscalisation très avantageux.

    La finance, ennemie d'hier, devenue l'amie d'aujourd'hui?

    Il fut un temps lointain des élections où les socialistes pointaient du doigt cet ennemi invisible : la finance, promettant à la France de s'en charger. L'ennemie d'hier serait-il devenu l'ami d'aujourd'hui ? Ou bien tout simplement dans cette lutte des classes devenue une guerre des classes, le capitalisme international aurait-il vaincu les tenants du social ?

    La politique socialiste devenue obsolète

    En réalité, il n'y a ni ennemi, ni ami. Il n'y a seulement que des modes de vie, des idées qui s'affrontent. Sans guerre. Et dans la réflexion, le développement de la pensée, la chute du mur de Berlin a fourni des arguments et des motivations nouvelles aux tenants du capitalisme, les encourageant à aller jusqu'au bout de leurs idées. La pensée socialiste, elle, restant éculée, nostalgique d'un passé où l'on nationalisait des entreprises et où l'on imposait les riches. Dans un contexte mondial, qui, depuis vingt ans, s'est modifié, la politique socialiste est devenue obsolète. Est-ce à dire que la bataille du social, de l'humanisme est perdue ? Sûrement pas.

    Intégrer la finance, la mondialisation dans la réflexion

    Le défi est à de nouvelles idées. Le socialisme se doit, comme le capitalisme, de proposer une réflexion qui s'intègrerait à la finance, à la mondialisation. Car c'est non par le conflit mais de concert que la recherche du bonheur social et la sortie de la crise seront possibles.
    Pour cela, les politiques sociales doivent s'adapter pour laisser de côté les protections telles que nous les avons connues dans les années quatre-vingt, afin d'en mettre en place de nouvelles, qui seraient adoptées par la finance internationale. Des propositions existent déjà. Mais, comme dans toute crise profonde, c'est une révolution qui doit être menée. Une révolution des idées. Et quoi de plus naturel si l'on s'occupe de politique sociale, que de se tourner vers la Bible. Cette révolution doit se faire en trois actes :

    Se tourner vers la Bible

    Le premier est tiré de ce verset de la Bible : « Abraham planta un bouquet d'arbres à Beer Shava et y proclama le Seigneur, Dieu éternel. Abraham habita longtemps encore dans le pays des Philistins. » Dans le texte original en hébreu, le nom de l'arbre « echel » correspond aux initiales de trois mots dont la traduction est nourriture, boisson et logis. Ces termes expriment le minimum vital qu'une société doit apporter à chacun. Actualiser à nos sociétés modernes cette idée, nous demande d'octroyer à chaque adulte « un revenu minimum de survie ».

    Un Revenu minimum de survie

    Ce « RMS », devra être rétribué à chaque citoyen âgé de 20 ans, sans distinction de revenu, de statut ou de situation, tout au long de sa vie. Les dépenses de protections sociales dépassent actuellement plus de 620 milliards d'euro par an. A elles seules, les prestations de survie : emploi, vieillesse-survie, famille, logement, pauvreté-exclusion, représentent une dépense de plus de 400 milliards d'euros. Cette somme permettrait de verser plus de 600 euros par mois à chaque individu au titre du RMS. Elle contribuerait, pour la finance, à une source d'épargne de consommation et serait un gigantesque levier pour l'économie. Enfin et surtout, le RMS, signifierait, pour l'ensemble des citoyens, une progression sociale.

    Une pause dans la vie économique

    Concernant le deuxième acte, il suffirait de repenser le travail et son temps. Ce texte tiré de la Bible pourrait nous y aider : « Pendant six ans, tu ensemenceras tes terres et tu en engrangeras les produits. Mais la septième année, tu les laisseras en jachère. » Ce que propose le texte est de mettre fin à une réalité économique dont l'unique objectif serait la poursuite illimitée du gain et de la croissance, afin de nous suggérer une économie qui inclurait une pause dans celle-ci.
    Non pas un arrêt mais un ralentissement, avec pour objectif après 6 ans de travail, une croissance zéro. L'année sabbatique devancerait ainsi les cycles des crises courtes et permettrait de lisser les évolutions de la production dans le temps, soit pour éviter les périodes de sous-emploi, soit pour enrayer les périodes de surchauffe qui risqueraient d'entraîner des dysfonctionnements.

    Une année à mi temps

    Pour cela, il suffirait, en France, de réévaluer le temps de travail à quarante heures par semaine, durant six ans avec un même salaire. Le coût du travail s'en trouverait amoindri et améliorerait la compétitivité des entreprises. Quant à la septième année, année de croissance zéro, la population active travaillerait à mi-temps afin que chaque travailleur puissent récupérer ses cinq heures de travail supplémentaire qu'il a effectué chaque semaine, souffler, se recentrer sur lui-même, ses proches, en un mot se ressourcer.

    Un communautarisme intégré

    Enfin, le troisième acte serait de repenser la cohésion sociale. Un dernier texte, tiré lui aussi de l'Ancien Testament, nous montrerait la voie : « Et Dieu dit à Moshé : chacun selon son drapeau selon la maison de son père. » La société est repensée. Le terme « shevet » ou « matteh » est utilisé en hébreu pour désigner « la tribu ». « Shevet » a pour racine le terme « assis », qui donne son assise à la société. « Matteh » est un terme qui signifie « bâton », sur lequel toute la communauté entière peut s'appuyer. La société, proposée ici, est une association de communautés à la fois solidaires de la société en générale, mais uniques par leurs caractéristiques. Ainsi, face au défi du communautarisme et des groupes, en s'inspirant de la Bible, une idée nouvelle nous est présentée : « le communautarisme intégré ». Une société dans laquelle les groupes seraient uniques mais solidaires avec pour dénominateur commun : le pays et ses lois.
    La crise, que nous traversons, est synonyme d'espoir pour une reconstruction et l'émergence d'idées nouvelles, et l'acteur principal de cette reconstruction ne sera ni l'Etat, ni la liberté des marchés, mais tout simplement : l'homme.

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