mercredi 8 février 2012

Actualités

Intervention sur Guysen-tv de Richard Sitbon dans l'émission "Les enjeux de l'économie" présentée par Lionel Bobot ... le 9 février 2012 à 18h15, 20h30 et 21h15, le 10 février à 15h et le 11 février à 19h30


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lundi 6 février 2012

« La Bible donne une variété de réponses aux maux actuels » par Richard Sitbon, Tribune Juive n° 42 de novembre 2008 – propos recueillis par Stéphane Elkaïm

La Bible donne une variété de réponses aux maux actuels 

NDLR : Il faut nuancer cette proposition de R.S. La réponse parfaite viendra de D.ieu et de SA PAROLE.
Richard Sitbon est économiste à Jérusalem. Auteur du livre Une Réponse juive à l’anarcho-capitalisme, il affirme que le judaïsme propose une alternative concrète à l’ultralibéralisme.


Tribune JuiveSelon vous, la crise financière est-elle passagère ou s’agit-il d’un phénomène inquiétant?
Richard Sitbon Nos dirigeants parlent sans cesse de crise financière parce que personne n’ose dire qu’il s’agit en réa-lité d’une crise systémique. Nous sommes désormais forcés de reconnaître que l’ultracapitalisme en vigueur depuis vingt ans nous conduit à la catastrophe. C’est un système qui ne fonctionne plus. Malgré les appels au calme, la gravité de la crise qui s’annonce est telle que les cycles des chutes boursières et des mauvais résultats économiques vont nous accompagner dans les mois prochains. L’État est aujourd’hui obligé de nationaliser des banques et d’éponger leurs dettes avec de l’argent public. Dans son livre La Grande Désillu-sion, Joseph Stiglitz, un des économistes américains les plus proches du président Bush, accuse les économistes ultralibéralistes d’avoir imposé leurs conceptions et leurs idées, au mépris de la démocratie la plus élémentaire.
TJ : En quoi le libéralisme est-il responsable de cette crise ?
R S : Dans les années 80 le professeur Henri Lepage écrivait : « Depuis près d’un siècle, avec le développement des sociétés anonymes, on assiste à une séparation de plus en plus nette entre propriété et gestion. (…) La multitude d’action-naires rend ineffectives leurs possibilités de décisions, alors même que le manager devenu salarié produira en moyenne des décisions s’écartant de l’optimum économique, pourvu que ces décisions lui rapportent plus de salaire. » Pour Lepage et les anarcho-capitalistes, c’est la Bourse qui devait prendre le relais pour exercer un contrôle et garantir la recherche de l’optimum. En réalité, la Bourse n’a pas réussi à établir ce contrôle. Non seulement cette crise financière démontre que le manager salarié ne sert pas les intérêts des action-naires, mais cette séparation entre gestion et propriété redé-finit l’optimum recherché : pour un manager propriétaire, le but est la maximisation du profit de l’entreprise, alors que pour l’actionnaire, c’est d’abord le maximum de shoreholder value qui est important, c’est-à-dire la création de valeur actionnariale. L’exemple de la société d’assurance AIG est représentatif de ce dysfonctionnement : son activité marche très bien, elle gagne de l’argent. Et pourtant elle a failli s’écrouler. Pourquoi ? Parce que sa stratégie 1 poussée à faire des placements très risqués afin de réaliser encore plus de profit.

TJ : Votre livre prétend apporter « une réponse juive à l’anacho-capitalisme ». En matière économique, que dit la Torah ?

R. S, : La Torah est d’essence libérale mais elle pose ur série de garde-fous. Par exemple dans le Talmud, le trait Kiddouchim (la Michna tome 13, collection dirigée par I Grand Rabbin Michek Gugenheim. Michna 5), on explique que celui qui achète une chaise est obligé d’aller la voir et même de la toucher. Cela peut paraître absurde et dépassé dans le contexte actuel. Mais en fait cela signifie que celui qui acquiert un produit doit savoir ce qu’ il achète et surtout admettre qu’il en prend la responsabilité. Ainsi, quelqu’un qui devient propriétaire d’un entreprise a la responsabilité morale de ses employé; II ne peut pas subitement délocaliser l’usine en Chine sans se soucier du devenir de ceux qui y travaillent. Même chose lorsqu’on achète du blé. Il n’est pas moral de spéculer sur une matière première alimentaire dans le seul but de gagner de l’argent.

TJ : Vous voulez dire que la Bible répond concrètement aux défis économiques de notre époque?

R. S. : Elle nous donne une variété de réponses aux maux actuels. Que ce soit avec la vision juive du commerce de marchandises ou la définition de l’argent. Qu’il s’agisse des règles de concurrence qui comportent les notions de solidarité et d’intérêt collectif, ou enfin des préceptes de redistribution des ressources, qui sont intégrés aux règles de la Shmita (1) et du Yovel (2) . Cet ensemble donne une autre impulsion à des valeurs oubliées et abandonnées par les nations, telles que le droit de l’individu à la solidarité, à la liberté et la dignité.

TJ : Une des raisons de la crise est la faiblesse des salaires aux États-Unis, les foyers les plus modestes ne pouvant plus rembourser leur crédit immobilier. La Torah apporte-t-elle une réponse aux inégalités sociales?

R, S, : Dans les grandes banques israéliennes, le patron gagne quatre cents fois plus que l’employé le moins payé. C’est-à-dire que ce dernier devra travailler toute sa vie pour gagner un mois de salaire de son PDG. C’est inadmissible ! Marx disait que dans le capitalisme, le salaire d’un travailleur est la somme des moyens de subsistance nécessaires à la production des remplaçants des travailleurs. Pour la Bible, la base du contrat de travail est une confiance mutuelle qui doit s’instaurer. En premier lieu pour l’employeur, car il ne s’agit pas de calculer le salaire qui permettra le rem-placement de la force de travail, mais de trouver le juste salaire pour une subsistance digne en faisant aussi du profit. En second lieu pour l’employé, qui a l’obligation d’être en possession complète de sa force physique pour s’investir complètement dans son travail.

TJ : La Torah entend donc concilier économie et huma-nisme?

R. S. : L’idée centrale est qu’il ne doit jamais y avoir de per-dant total. Aujourd’hui, la concurrence s’exerce de manière anarchique, sauvage. Dans la Torah, il faut toujours mainte-nir un équilibre entre le fort et le faible, qui ne doit jamais être complètement détruit. C’est le concept développé dans la notion de « mavoy satoum», voie sans issue par exemple ; L’homme n’est pas seulement une machine à produire. La notion de pause est fondamentale. Léon Ashkénazi (1922-1996) disait qu’une société qui ne fait que produire et que consommer est comme une machine qui s’emballe : elle va créer elle-même les conditions de sa destruction. Il faut prendre en compte autre chose que l’argent et la satisfac-tion immédiate. Il faut aussi donner de l’importance à des choses qui ne sont pas mathématiques comme la morale ou l’amour de son prochain. Un arrêt permet aussi de réfléchir, de rétablir une certaine justice, de redistribuer la richesse. La société n’est pas faite que pour les meilleurs. Il faut bâtir une société qui ne laisse tomber personne, où la lutte des classes serait remplacée par une relation sociale à trois dimensions : entre l’homme et son Créateur, entre l’homme et son prochain, et entre l’homme et lui-même.

PROPOS RECUEILLIS PAR S. E.

Richard Sitbon, Une Réponse juive àl’anarcho-capitalisme, éditions l’Harmattan. 1. Shmita : la Torah commande d’observer tous les sept ans une année de relâche. C’est une année de jachère pour la terre, il est interdit de cultiver et récolter. La Shmita est également l’occasion pour le maître d’affranchir le serviteur, et pour le créancier d’acquitter le débiteur. 2- Yovel : tous les cinquante ans (donc après sept fois sept années), il consistait à rendre les biens immobiliers et fonciers à leurs propriétaires initiaux, et à libérer les esclaves afin de leur redonner la dignité d’homme libre, ayant Dieu pour seul maître.