mercredi 5 septembre 2012

Le Yovel comme nouvel ordre économique....

L'économie a toujours été confrontée dans sa démarche à l'antagonisme de l'esprit idéaliste et de l'esprit matérialiste. L'esprit matérialiste a conduit aux idéaux de croissance en laissant de côté l'esprit idéaliste demandant de respecter la justice, l'environnement ou toute autre réflexion de développements durables. Depuis la fin des années 1990, la littérature économique recherche la stratégie qui allierait économie, croissance et développement durable. De Brown Lester R., dans son livre Eco-économie, une autre croissance est possible, écologique et durable, à Jean-Marie Harribey, avec Economica ou enfin à Serge Latouche, avec sa réflexion qui nous invite à déconstruire l'imaginaire économique , la demande d'un changement profond et d'une nouvelle réflexion sur la croissance et ses buts, a ouvert le débat sur la légitimité de celle-ci comme fondement de l'économie politique. Certains auteurs vont jusqu'à défendre l'idée de la décroissance économique. Le débat sur l'exigence d'un développement durable s'articule en particulier sur trois points : l'exigence d'un développement respectueux des milieux naturels, la volonté d'un changement dans les relations économiques et la promotion d'un commerce équitable, et enfin une réflexion concernant la croissance ou même la décroissance soutenable des pays industrialisés. A ces interrogations, la loi du Yovel apporte avec le solidarisme talmudique une réponse originale sans pour autant prôner la décroissance. L'économie durable, tout d'abord, a été de tout temps une préoccupation talmudique. Dans un récit allégorique du célèbre Rabbin Kohni, Le traceur de cercles, le Talmud raconte  
 
 
« Un jour en suivant une route, Kohni vit un homme qui plantait un caroubier. Il lui dit : « cet arbre ne porte du fruit qu'au bout de soixante-dix ans, es-tu certain de vivre assez longtemps pour en manger ? L'homme répondit : j’ai trouvé le monde pourvu de caroubiers, puisque mes ancêtres en ont planté pour moi, j'en plante pour mes descendants

Le Yovel répond aux trois exigences du développement durable. Au-delà du respect du Talmud à l'environnent, il nous propose non pas une économie de décroissance mais de restructuration, un ajustement structurel, après des années de liberté économique. Cette intervention extérieure aux forces du marché va déconstruire le libéralisme économique et changer ses structures pour rééquilibrer les injustices, lutter contre la pauvreté et rétablir la coopération entre les membres de la société. Ce principe d'arrêt tous les cinquante ans n'est pas là pour définir l'intérêt général de la société. Au débat de l'intérêt général, vu pour certains comme la somme des intérêts particuliers ou pour d'autres comme le plus petit dénominateur commun entre les intérêts divergents des membres de la société, la Thora substitue à cet intérêt général, qui a du mal à être appréhendé, une notion nouvelle : le niveau de l'humanité. Il fixe une organisation de la vie économique, qui délimite dans un cadre d'économie libérale, des normes minimales d'humanité. Cet arrêt est un véritable examen de passage pour la communauté, c'est un indicateur social de réussite ou d'échec. Il a un coût pour la société dans son ensemble puisque nonobstant la redistribution des richesses, la société doit dans son ensemble faire face à une remise à zéro des dettes. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce système va réconcilier capitalisme et Tsedaka, la société devra prendre en compte, comme une donnée exogène au système, le coût d'un trop grand déséquilibre qui devra être réajusté après les années accordées de liberté totale. Dans le cadre de cette année du Jubilé, les deux exigences du développement durable, en dehors de l'annulation des dettes, sont aussi prises en compte. La première s'attache à l'idée de la redistribution des terres, qui doit être comprise dans un terme beaucoup plus large de redistribution des ressources et des fortunes. Cette redistribution de la propriété refonde de façon profonde les relations économiques entre les agents. Quant à la seconde, elle est la liberté redonnée aux esclaves, qui doit, ici aussi, être appréhendée dans le sens plus large du retour de l'homme à la liberté

C'est ce cadre de réflexion, le Yovel qui doit nous conduire vers la construction d'un nouvel système économique et social


 Richard Sitbon

mardi 4 septembre 2012

Acrobatie de haut vol ...

Les chiffres d'abord : augmentation de la T.V.A. à 17%, l'essence à 8.25 Shekel... Depuis 2011, nous poursuivons la même tendance,celle d'une augmentation des prix dans tous les secteurs de la consommation avec des salaires qui,eux,restent gelés. Pour M. Netanyahu, Premier ministre,"chaque chose à un prix", a-t-il expliqué pour justifier ce régime de vaches maigres. "Ceux qui disent que l'on peut dépenser sans compter mettent en danger l'Etat d'Israel et mèneraient le pays au bord de la banqueroute comme c'est le cas dans les pays européens" a-t-il ajouté. Le spectre de guerre contre l'Iran, la construction d'une clôture de sécurité de 240km de long de la frontière avec l'Egypte sont autant de raisons supplémentaires pour imposer aux Israéliens de se serrer la ceinture... encore et toujours...

Et pourtant ! Avec la Commission Tsemah, chargée d'examiner de quelle manière la production de gaz sera partagée entre exportation et consommation intérieure, nous rappelons à nos mémoires l'extraordinaire richesse du sous-sol israélien en matières premières.

En chiffre, cette richesse donne aujourd'hui à Israel plus de 150 années d'indépendance énergétique avec une estimation de l'ordre de 750 milliards de mètre cube de gaz... Une quantité tellement astronomique que pour certains spécialistes tout ce volume pourrait ne jamais être exploité. Enfin en terme d'entrée d'argent et avec la décision de la Commission Shishinsky, chargée d'examiner les mesures fiscales à appliquer aux sociétés pétrolières et gazières, qui a fixée une imposition allant de 52 à 62% sur les bénéfices, l'Etat d'Israel peut compter les 20 prochaines années sur une augmentation de plus de 30 milliards dans son budget courant... En termes sociaux, plus de chaque milliard de cette manne pourrait être consacré à la construction de 2500 appartements, à l'augmentation de 50% des allocations vieillesses, à la diminution de 40% des dépenses d'études universitaires, à compléter le manque de lits dans les hôpitaux, à construire un hôpital à Ashdod, et enfin augmenter de plus de 25% le budget des infrastructures ferroviaires. Hélas, la Commission Tsema, avec les nouvelles augmentations du coût de la vie, nous a rappelé à l'ordre de cette triste vérité : l'austérité est pour le peuple.

En effet, en décidant d'exporter la plus grande partie du gaz israélien vers l'étranger par une acrobatie de haut vol, la Commission a décidé d'augmenter les profits des compagnies d'énergie et de leurs propriétaires au détriment des citoyens israéliens, contrebalançant alors les décisions de la Commission Shishinsky qui avait provoqué la colère des riches propriétaires d'énergie Au contraire, en imposant une plus grande partie du gaz pour la consommation intérieure, nous aurions alors bénéficié d'une baisse des produits de consommation dans tous les secteurs avec une énergie abondante et peu chère laissée à notre disposition. En obligeant les grandes compagnies d'énergie à vendre le gaz en Israel, nous aurions pu, en effet, bénéficier d'une baisse importante du prix de l'électricité, avec pour impact une baisse des dépenses de production dans tous les secteurs de l'activité économique et donc une réduction générale des prix.

Alors que le monde connait sa plus grande crise depuis les années 1930. Alors que les conséquences économiques de la crise ont été enregistrées sur les sismographes, les conséquences sociales, elles, commencent seulement à produire leurs effets et sont hélas encore devant nous. Alors que la manne du gaz aurait pu amener nos dirigeants à une autre réflexion, les orientations qu'ont, jusqu'à présent, choisi de faire prévaloir les Israéliens ne sont nullement différents des pays européens et des Etats-Unis. Ils sont et restent en contradiction avec les enseignements de la crise.

Nous restons, avec le Premier ministre Netanyahu, accrochés à des certitudes malgré les événements et nous prenons les décisions qui confortent encore et toujours le pouvoir de la finance et des marchés financiers. Alors que l'Etat d'Israel, de part son histoire, bénéficie d'une structure économique originale, mélange de socialisme et de capitalisme. L'apport inattendu de cet argent du gaz aurait pu être une occasion pour nous, occasion non pas de nous séparer des Nations, non pas de les imiter non plus mais d'envisager la construction d'un autre système tiré de notre histoire et de notre héritage...

Richard Sitbon