mardi 12 juillet 2016

Contre la violence, un nouvel ordre social.

Le judaïsme, avec l'exil, a développé deux caractéristiques inhérentes à celui-ci et contradictoires à la fois : l’exil tribal, armé de son héritage antique et son familialisme, sur lequel va se greffer, au fil du temps, une ambition de modernité et d’externalité grâce à laquelle l’homme devient individu particulier et isolé, poursuivant l'intérêt de la société dans laquelle il vit.
Ce communautarisme intégré, inventé par le peuple juif en exil doit être un exemple pour les peuples.
D'ailleurs, la modernité de ce nouveau monde qui se met en place, avec la fin des frontières, repose sur la recherche du savoir, d'ouverture, d'individualisme mais demande aussi, pour exister, la création à travers les nations d'un communautarisme quasi tribal basé sur un historique moral que l'on appelle couramment judéo-chrétien en Europe. Le "brexit", est un exemple, qui marque cette contradiction entre la nation "tribal" avec son identité propre, et l'Europe est une volonté d'unité et "d'uniformisation". 
Ainsi, pour Heinrich Heine, dans son livre, De l’Allemagne, la voie tribale fait partie de la modernité au même titre que la voie protestante décrite par Weber. Mieux, pour lui, « un protestant écossais n’était pas seulement un juif qui mangeait du porc, il était à sa façon, un juif solitaire, un juif sans peuple élu, car lui seul était élu ».
Autrement dit, pour Heine, la modernité est inséparable du « communautarisme tribal de la fratrie hébraïque (…) tant qu’elle sacralise la famille nucléaire, que parce qu’elle fait de chaque nation un peuple élu »[1]. Avec le capitalisme, les sociétés se transforment, adoptant de nouvelles règles, lois et contraintes sociales. L’ethos juif, préparé depuis des années, intègre parfaitement ces nouvelles sociétés.
La liberté retrouvée
 
L’une des causes de la pauvreté réside dans l'impossibilité de sortir d'une organisation sociale qui "endémise" le statut des classes sociales pour les transformer en castes sociales. Le projet "des tribus"– comme type de société de la bible – doit être appréhendé dans un sens large. Il a pour but de briser ce système de castes pour redéployer, grâce à la liberté, une meilleure égalité des chances et retrouver, avec l'abolition des causes de la pauvreté, une volonté régénérée de créer et d'innover. Paradoxalement ce système d'aide au sein de la tribu est une source du retour à l'égalité pour tous, le peuple alors pourra se retrouver réuni.
Pour être créatif et utile à la société, l'homme social doit se trouver autour d’une communauté qui sera prête à lui venir en aide et lui être solidaire.
Le système social de la bible est caractérisé par la reconnaissance des groupes. Système au combien actuel…
Après la prise de possession de son territoire national, la première préoccupation de la société fut de répartir les habitants en tribu :
 
Nous pouvons citer le texte suivant : Nombres, 2,1
Et Dieu dit à Moshé : chacun selon son drapeau selon la maison de son père.
 
Conscientes des défauts d'une analyse liée à des comportements individuels orphelins, les théories économiques tentent aujourd'hui de développer d'autres outils d’études en intégrant une dimension collective à leurs analyses avec, par exemple, la théorie des groupes. La Bible lance un appel au retour à une vision plus pragmatique de l'économie en reconnaissant l'analyse des groupes, et en nous faisant comprendre qu'il existe une logique économique externe à la logique du marché, dont les aboutissants ne sont pas forcément marchands.
 
Pour la Torah, les acteurs économiques répartis en tribus ne sont plus des acteurs isolés, mais des groupes organisés qui réagissent en fonction des intérêts de leur corporation. Les tentatives de construire des modèles mathématiques basés uniquement sur des comportements individuels indépendants ne peuvent, pour la Bible, refléter une réalité humaine. Plus ambitieuse, plus complexe aussi, la réalité du solidarisme talmudique intègre une perspective holiste : le corps et l'âme, le réel et le rêve, le particulier et l'universel, l'individualisme et le groupe, autant de notions qui interfèrent dans les choix et les décisions de l'être.
 
Le terme de shevet ou de matteh est utilisé en hébreu pour désigner « la tribu ». Shevet est tiré du terme « assis », qui donne son assise à la société. Matteh est un terme qui signifie « bâton », sur lequel toute la communauté entière peut s'appuyer. La société du solidarisme talmudique est une association de tribus à la fois solidaires de la société générale, mais uniques puisqu’ayant chacune son drapeau, ses rôles et missions.
Le solidarisme talmudique établit alors le système social par une configuration de cercles concentriques : -les individus sont protégés par des lois qui leur garantissent un niveau de vie minimale et de par ses lois, ils sont frères et égalitaires en dignité. Ainsi, le premier cercle est créé, le deuxième, lui s'étend à la société conjugale, puis le troisième à la tribu qui regroupe les hommes sur des éléments leur ressemblant et qui ne sont pas forcément d’ordre professionnel : leur lieu de vie, leurs intérêts, par des éléments les regroupant. Un autre cercle, national, relie les tribus entre elles à travers des lois communes comme celles du Shabbat, de la Shemita ou du Yovel. Enfin un dernier cercle, mondialisme universel du solidarisme, unit les hommes à travers des lois communes. En englobant à travers des cercles des éléments dissemblables, la fraternité est établie dans la différence.
 
La France peuple élu de l'Europe ?de Richard Sitbon
Edition l'harmattan/ questionner l'Europe


[1] Le siècle juif, Yuri Slezkine, Editions La Découverte, 2009.


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