jeudi 17 novembre 2011

Option sur un contrat à terme de blé, ou option sur la faim. Article rédigé pour Hamodia 16 février 2009

Les mots sont techniques, simples, froids. Ces mots expliquent aux investisseurs les termes du contrat à option sur le blé. On lit : L'option est exerçable à tout moment jusqu'à sa date d'expiration… à tout moment sont cotées les options dont le prix d'exercice est le plus proche du cours du contrat à terme ferme du blé… la chambre de compensation fait constituer par le vendeur d'option une somme correspondant à titre de garantie de la perte qui découlerait de l'évolution la plus défavorable de la valeur liquidative de sa position nette globale... tous ses mots pour du blé. Car pourquoi se contenter d'actions, d'obligations, ou des services financiers classiques, il faut aujourd'hui faire de l'argent sur tout. Même sur le blé, le riz, le sucre...

Le prix du blé atteint 180 € la tonne environ aujourd’hui, ce qui fait un plus de 70% pour les investisseurs en un an. Bien sur les raisons premières de la flambée des prix sont classiques : sécheresse en Australie l’an dernier, en Ukraine et en Roumanie cette année, pluie et froid en Europe, gel des terres agricoles et moisson décevante. A cela s'ajoute l'intérêt croissant pour les biocarburants. L’élément marquant est l’utilisation de plus en plus grande qui est faite des céréales, du sucre, des graines oléagineuses et des huiles végétales pour produire des combustibles de substitution, de l’éthanol et du biogazole. 


Ainsi si la pénurie de céréales a provoqué une hausse des prix, d'autres raisons plus sombres et inacceptables sont à l'origine de cette crise sans précédant.
 

Tout d'abord la modification des mécanismes d’aides européens a bouleversé le marché. La suppression au nom de la sacro sainte "liberté des marchés" des aides à l’exportation a provoqué une dérégulation. Dès lors, comme toute marchandise, dès que les céréales manquent, les prix flambent.
Mais plus grave, de marchandise ce blé est devenu aussi "produit financier" et source de bénéfice, il suffit pour cela de profiter de mauvaises moissons et des tensions du marché pour le mettre en stockage et déclencher une hausse des prix. Ce blé n'est plus alors la base de la nourriture des hommes mais une nouvelle matière première agricole très spéculative. Les fonds de retraites ont depuis quelques temps compris l'énorme source de profit à tirer des céréales. 


Profitant de la réduction de la collecte de blé dans les pays producteurs et une demande de céréales en hausse due au changement des habitudes de consommation de la Chine et de l’Asie avec une alimentation intégrant beaucoup de céréales, l’arrivée des fonds de pension et des fonds d’investissements sur le marché à terme a amplifié la spéculation. Les cours sont devenus très volatiles. Leur volatilité est aujourd’hui de 40 %. Elle était de 10 % lorsque le marché était relativement encadré par la Politique agricole commune. 


Mais si la bulle internet a explosé en vol et ruiné beaucoup plus d’investisseurs qu’elle n’en a enrichis, si la bulle spéculative immobilière l’année dernière s’est mal terminée, aux Etats-Unis, la spéculation sur le prix des céréales est elle autrement plus dangereuse. En effet on ne peut pas liquider les stocks d’invendus de maisons en Floride ailleurs qu’en Floride ; donc leurs prix doivent forcement baisser, quant aux valeurs internet, on peut s’en passer dès qu’elles deviennent trop chères.
 

Pour les céréales, c’est différent. Elles se transportent d’un continent à l’autre et sa consommation est indispensable pour une population toujours plus nombreuse, quelques soient les prix, il y aura toujours preneur. Si jusqu'à présent la mondialisation nous paraissait être loin de nous, ses effets se répercutent aujourd'hui dans nos assiettes.
 

Cette hausse des prix des denrées, qui affecte d'abord les plus pauvres, peut conduire au chaos social. La Banque mondiale estime que la montée des prix des produits de base qu'on connaît actuellement pourrait créer des troubles dans une trentaine de pays. Déjà, on rapporte d'ailleurs des affrontements au Maroc, en Afrique subsaharienne et en Thaïlande, où des producteurs de riz dorment dans leurs champs pour éviter de se faire voler leurs récoltes. 

Le monde se dirige "vers une très longue période d'émeutes" et de conflits liés à la hausse des prix et à la pénurie des denrées alimentaires, estime aussi Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, "Avant la flambée des prix déjà (...) 854 millions de personnes étaient gravement sous-alimentées. C'est une hécatombe annoncée", met en garde M. Ziegler. 


A cette théorie politique mondialiste qui nous entraîne vers un monde de chaos , à cette théorie capitaliste dont la vision de l'homme se borne à "l'avoir", plus consommer, pour plus avoir, le judaïsme et la Thora nous montre une autre voie, et nous encourage à travers les textes, à aborder l'économie sous une double perspective, biblique et économique, pour contribuer à faire de l'économie non une exploitation de l'homme par l'homme, mais une production éthique en réussissant à réintroduire cette finalité indissociable de l'homme : consommer et travailler pour "être". Il semble que le temps soit venu de montrer aux nations du monde le vrai chemin. 


Richard Sitbon

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire