Dans un discours de lucidité François Hollande, président
de la République française nous disait : "Chaque nation a une âme. L’âme de la France, c’est
l’égalité. C’est pour l’égalité que la France a fait sa révolution et a aboli
les privilèges dans la nuit du 4 août 1789. C’est pour l’égalité que le peuple
s’est soulevé en juin 1848. C’est pour l’égalité que la IIIe République a
instauré l’école obligatoire et l’impôt citoyen sur le revenu. C’est pour
l’égalité que le front populaire a œuvré en 1936. C’est pour l’égalité que le
gouvernement du général de Gaulle a institué la sécurité sociale en 1945."
Il y a plus de trente ans, lors de la fête juive de Simha
Torah, célébration du don de la Bible, le rabbi Menahem Mendel Shneerson, plus
connu sous le nom du rabbi de Loubavitch
étonnait ses disciples, lorsqu'il entonna, sur l'air de la Marseillaise,
un cantique traditionnel juif le "haaderet vehaemouna". Par cet hymne
repris sur un thème juif, le rabbi ouvrait une énigme de plus. Un nouveau
questionnement. Devant le groupe de juifs hassidiques qui dansaient pour
célébrer la fête, il appelait la France à suivre son chemin. Le sien propre, et
non, celui plus facile des Nations, qui comme l'Allemagne, la Grèce ou l'Italie
avaient fini leur rôle dans l'histoire du monde. L'Allemagne marquée à jamais
par le nazisme, la Grèce dont les Apollons ne sont plus que des statues de
marbre disloquées, ou l'Italie dont la grandeur de Rome, comme la tour de pise,
regarde depuis longtemps vers le sol. Cet évènement, passé alors
inaperçu, prend pourtant toute sa dimension aujourd'hui, alors que la France
semble s’incliner aux modes du moment.
Et pourtant, le peuple français a toujours su, dans les pires moments,
trouver la force pour regagner son identité première : celle de la Révolution,
de la Liberté, de L'égalité de la Fraternité. Force qui fit faire à la
révolution française une première constitution en forme de Tables de la loi.
Le symbole des Tables de la Loi, de par son nom même,
n'est pas assumé par hasard. D'aucuns d'entre nous expliqueront qu'il
s'agissait d'une volonté révolutionnaire laïque de délester la religion de son
emblème. Et pourtant, le chant entonné par le rabbi donne une tout autre
signification à cette adaptation des Tables de la loi, à l'idéologie
révolutionnaire. Ce message, que voulait nous livrer le rabbi, est un message
de force : La force d'une loi égale
pour tous, opposée aux risques d'un retour à l'arbitraire de l'injustice. Les
Tables de la révolution, comme celles de la Bible sont l'incarnation graphique
de l'expression d'une garantie morale : si le peuple Juif se veut le garant
d'une moralité, du message du Dieu unique, la France en parallèle, elle, semble
être la garante d'une moralité laïque.
Une idée de la France
Il existe trois aspects de la révélation du mont Sinaï
qui concernent le monde et qui doivent préoccuper tous les hommes : - l'internationalisme
des idées qui nous conduit à adopter un mode de pensée, - la moralité non pas
religieuse mais laïque et - la reconnaissance des idées et de la mission
d'Israël. De Rousseau en 1772 à la révolution française de 1789, de la
Constituante à Napoléon, la France, à n'en pas douter, est devenue dans sa
mission un état à part dans les Nations. Comme Israël qui doit être le garant
de ces trois aspects, la France doit aussi en être le gardien, en accompagnant
dans sa mission le peuple Juif.
En ce sens les paroles de ce Simhat Torah de 5734 (1973) prononcées par le rabbi de
Loubavitch sont historiques. Elles nous rappellent le rôle particulier de la
société française : Aux devoirs moraux et religieux d'Israël, il existe un
devoir politique et social, qu'il faut insuffler aux peuples dans leur lutte
pour la vie. Il doit être le fait d'une nation laïque, qui, dans son soutien
aux idées défendues par Israël, apporterait l'humanité perdue aux sociétés
moderne, pour ouvrir une nouvelle époque qu'il
faut inventer : le temps de la solidarité. Car pour le rabbi, la
France a son mystère : mystère étymologique d’abord, puisque
"Tsarfat," France en hébreu viendrait du terme "Ttsirouf",
joindre.
Dans ce terme, elle doit se joindre au combat des hommes
pour la justice, pour être en plénitude avec elle-même. Plénitude qui peut
s’accomplir tel Ésaü, en accord avec le créateur et non contre lui.
"Tsirouf", car la France a une destinée ambiguë. Elle se veut
l'incarnation, non pas de la croyance au sens du judaïsme qui affirmerait la
parole de Dieu en acte, "je veux vivre ce qu'il a dit", mais dans une
transmission de l'idée : "Comme il veut que l'on vive je le dis".
C'est dans un joug oratoire des idées, que se tiennent la France et sa mission.
En ce sens, la France peut être alors l'alliée du bien,
de la justice, dans l'explication et l'affirmation de celle-ci, ou
malheureusement se perdre dans un culte de l'image, qui semblerait refléter
seulement un miroir de justice, dans une idolâtrie des idées pour l'idée, qui risque
alors de conduire à une atrophie de la vérité et à l'illusion.
La France peuple élu de l'Europe ?de Richard Sitbon
Edition l'harmattan/ questionner l'Europe
Préfaces de Henri Cukierman/ Daniel Gal
http://richard-sitbon.blogspot.co.il