mardi 12 avril 2016

La France peuple élu de l'Europe ?

Dans un discours de lucidité François Hollande, président de la République française nous disait : "Chaque nation a une âme. L’âme de la France, c’est l’égalité. C’est pour l’égalité que la France a fait sa révolution et a aboli les privilèges dans la nuit du 4 août 1789. C’est pour l’égalité que le peuple s’est soulevé en juin 1848. C’est pour l’égalité que la IIIe République a instauré l’école obligatoire et l’impôt citoyen sur le revenu. C’est pour l’égalité que le front populaire a œuvré en 1936. C’est pour l’égalité que le gouvernement du général de Gaulle a institué la sécurité sociale en 1945."
Il y a plus de trente ans, lors de la fête juive de Simha Torah, célébration du don de la Bible, le rabbi Menahem Mendel Shneerson, plus connu sous le nom du rabbi de Loubavitch  étonnait ses disciples, lorsqu'il entonna, sur l'air de la Marseillaise, un cantique traditionnel juif le "haaderet vehaemouna". Par cet hymne repris sur un thème juif, le rabbi ouvrait une énigme de plus. Un nouveau questionnement. Devant le groupe de juifs hassidiques qui dansaient pour célébrer la fête, il appelait la France à suivre son chemin. Le sien propre, et non, celui plus facile des Nations, qui comme l'Allemagne, la Grèce ou l'Italie avaient fini leur rôle dans l'histoire du monde. L'Allemagne marquée à jamais par le nazisme, la Grèce dont les Apollons ne sont plus que des statues de marbre disloquées, ou l'Italie dont la grandeur de Rome, comme la tour de pise, regarde depuis longtemps vers le sol. Cet évènement, passé alors inaperçu, prend pourtant toute sa dimension aujourd'hui, alors que la France semble s’incliner aux modes du moment.  Et pourtant, le peuple français a toujours su, dans les pires moments, trouver la force pour regagner son identité première : celle de la Révolution, de la Liberté, de L'égalité de la Fraternité. Force qui fit faire à la révolution française une première constitution en forme de Tables de la loi.
Le symbole des Tables de la Loi, de par son nom même, n'est pas assumé par hasard. D'aucuns d'entre nous expliqueront qu'il s'agissait d'une volonté révolutionnaire laïque de délester la religion de son emblème. Et pourtant, le chant entonné par le rabbi donne une tout autre signification à cette adaptation des Tables de la loi, à l'idéologie révolutionnaire. Ce message, que voulait nous livrer le rabbi, est un message de force : La force d'une loi égale pour tous, opposée aux risques d'un retour à l'arbitraire de l'injustice. Les Tables de la révolution, comme celles de la Bible sont l'incarnation graphique de l'expression d'une garantie morale : si le peuple Juif se veut le garant d'une moralité, du message du Dieu unique, la France en parallèle, elle, semble être la garante d'une moralité laïque.
Une idée de la France
Il existe trois aspects de la révélation du mont Sinaï qui concernent le monde et qui doivent préoccuper tous les hommes : - l'internationalisme des idées qui nous conduit à adopter un mode de pensée, - la moralité non pas religieuse mais laïque et - la reconnaissance des idées et de la mission d'Israël. De Rousseau en 1772 à la révolution française de 1789, de la Constituante à Napoléon, la France, à n'en pas douter, est devenue dans sa mission un état à part dans les Nations. Comme Israël qui doit être le garant de ces trois aspects, la France doit aussi en être le gardien, en accompagnant dans sa mission le peuple Juif.
En ce sens les paroles de ce Simhat Torah  de 5734 (1973) prononcées par le rabbi de Loubavitch sont historiques. Elles nous rappellent le rôle particulier de la société française : Aux devoirs moraux et religieux d'Israël, il existe un devoir politique et social, qu'il faut insuffler aux peuples dans leur lutte pour la vie. Il doit être le fait d'une nation laïque, qui, dans son soutien aux idées défendues par Israël, apporterait l'humanité perdue aux sociétés moderne, pour ouvrir une nouvelle époque qu'il faut inventer : le temps de la solidarité. Car pour le rabbi, la France a son mystère : mystère étymologique d’abord, puisque "Tsarfat," France en hébreu viendrait du terme "Ttsirouf", joindre. 
Dans ce terme, elle doit se joindre au combat des hommes pour la justice, pour être en plénitude avec elle-même. Plénitude qui peut s’accomplir tel Ésaü, en accord avec le créateur et non contre lui. "Tsirouf", car la France a une destinée ambiguë. Elle se veut l'incarnation, non pas de la croyance au sens du judaïsme qui affirmerait la parole de Dieu en acte, "je veux vivre ce qu'il a dit", mais dans une transmission de l'idée : "Comme il veut que l'on vive je le dis". C'est dans un joug oratoire des idées, que se tiennent la France et sa mission.
En ce sens, la France peut être alors l'alliée du bien, de la justice, dans l'explication et l'affirmation de celle-ci, ou malheureusement se perdre dans un culte de l'image, qui semblerait refléter seulement un miroir de justice, dans une idolâtrie des idées pour l'idée, qui risque alors de conduire à une atrophie de la vérité et à l'illusion.
La France peuple élu de l'Europe ?de Richard Sitbon
Edition l'harmattan/ questionner l'Europe
Préfaces de Henri Cukierman/ Daniel Gal
http://richard-sitbon.blogspot.co.il